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Batifolire, tribulations en zone littéraire
10 décembre 2010

Daddy est mort... Retour à Sarcelles

Daddy est mort... retour à Sarcelles d'Insa Sané, collection Exprim' chez Sarbacane, 2010.

  daddyJ’aime Daddy est mort d’abord parce que j’aime être dépendante d’un livre, c’est gage pour moi qu’il m’est absolument nécessaire de l’avoir lu pour tout ce qu’il m’aura évoqué, appris et fait ressentir. « Tu sais, mon soce », le genre de bouquin que quand tu le lâches c’est à contre coeur et que tu n’as qu’une envie : celle où tu l’auras de nouveau dans tes mains. Et c’est ce que l’on remarque à la lecture des premières lignes du dernier roman d’Insa Sané, tellement l’écriture  arrive à nous tenir en haleine. Car oui, on le sait Daddy est mort. C’est dans le titre. Mais comment, pourquoi, par qui ? C’est quand on croit le savoir qu’on apprend qu’on n’est pas au bout de nos peines. Les épisodes s’enchaînent, délivrant leurs indices à la manière d’un polar et nous faisant menant l’enquête aux côtés de Djiraël, Youba et finalement Tonton Black Jacket, le « poulet ». Le suspens est présent jusqu’à la fin, ponctué, comme souvent chez l’auteur, par les parenthèses sur les histoires d’amitié, d’amour et de désamour entre les différents personnages.

   J’aime Daddy est mort aussi parce que c’est toujours amusant de reconnaître des références glissées par l’auteur. Si le lecteur averti, quoique guidé, reconnaitra les personnages et les histoires des trois autres romans d’Insa Sané, il s’étonnera également de retrouver les titres d’autres romans de la collection, clin d’œil aux autres membres de la famille Exprim’. Mais si l’on n’est pas familier de tout cela, on pourra également prendre plaisir à lire ou relire de nombreuses citations musicales, littéraires ou encore cinématographiques : le récit en est truffé. Cependant aucune crainte, on peut lire ce roman sans avoir lu le(s) précédent(s), le narrateur nous guidant à travers les lieux, les intrigues et les personnages. Cela peut d’ailleurs être une bonne chose car tournée la dernière page, on sait vers quelles lectures se tourner.

   Enfin, j’aime Daddy est mort pour l’écriture toujours aussi incise et poétique de l’auteur qui sait manier aussi bien les codes du langage de la rue que ceux de la littérature classique ; notamment lorsqu’il peint ses personnages avec un réalisme percutant comme lorsqu’il nous décrit Eléonore, la mère de Daddy. On retrouve également  le tableau de la cité, notamment à travers les yeux de Zulu qui nous emmène pour sa part non pas à Sarcelles mais dans les quartiers du 19ème, comme si on était assis avec lui, à partager son ennui et son morne quotidien.

  Quelques morceaux choisis finiront de retransmettre mon enthousiasme et feront, je l’espère, qu’il vous parvienne pour vous laisser, vous aussi,i dans le curieux état que celui dont on sort après la lecture de Daddy est mort.

Et pour continuer l’aventure, rdv sur la page facebook de feu Daddy Ekonga : des chapitres inédits, des anecdotes sur Daddy et surtout la bande son servie sur un plateau.

 

Pour la route, hop une vidéo de l'auteur : http://culturebox.france3.fr/all/29038/insa-sane-pose-ses-valises-et-son-slam-a-barbezieux#/all/29038/insa-sane-pose-ses-valises-et-son-slam-a-barbezieux

 

                                                                         ***

*Bande-annonce littéraire - morceaux choisis*

« Ce qui est sûr aussi, c’est qu’une histoire devrait toujours commencer par un sourire d’au moins trente-deux dents. Un sourire comme seule la rue, au coin d’un de ses plis, peut t’en offrir parfois. »

« L’amour, je te le dis, ça ne s’invente pas. Ca nous butine alors qu’on est tout juste un bourgeon innocent. Ca nous chope par la poitrine, et on ne s’en défait pas. Condamné à l’exil à dix mille lieues de toute forme d’orgueil, on bazarde nos rutilantes carapaces dans la boue – et on s’oublie ; on s’abandonne. […]. Oui, l’amour ne s’invente pas, il s’invite à notre insu. S’insinue en nous. Et pour nourrir le brasier insolent, en guise de bûches, on lui offre nos joies et nos peines. Quand il nous gagnes, on a tout à perdre, mais on s’en fout, copain, on s’en fout – on donnerait sa vie ; tout ce qu’on a, on le donne. Lalala,la-lala… Qu’importent les larmes, qu’importe l’amertume, qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse – on dépérit ; on déraisonne. Lalala, la-lala

Voyons, ce n’est pas sérieux, l’amour ! Bordel, ça ne s’apprend pas, l’amour !... et pourtant, ça ne s’oublie pas l’amour. On le loue depuis des siècles, on lui compose des hymnes pour que l’aimé … ne nous quitte pas. Et puis, on pleure. On pleure. Toujours. On pleure parce que l’amour a besoin de larmes abondantes pour que jaillissent les épines de son écorce fière. Et puis, doucement, encore, toujours, l’amour nous meurt. »

«  A 20 ans, on est bête et méchant. A 20 ans, on ne s’imagine pas 20 ans plus tard, tu me le feras pas croire. Parfois, on rêve de carrosses, changer les baffes en caresses ; pour un J’te jure, je t’aime, on se déboutonne. Ouais, c’est l’amour monotone quand on a 20 printemps d’automne. »

« N’empêche, malgré les galères, Daddy avait su être fort, solide comme on peut l’être quand on a pas le droit de pleurer, jamais. Alors, il riait, tout le temps. Il disait qu’il valait mieux rire de ses malheurs en attendant le jour où on pourrait pleurer de joie. »

« Non, sur Terre rien n’est éternel, le bonheur moins que tout. En fredonnant sa complainte, Novembre la terrible arrache ce qu’il reste de feuilles sur les branches désolées, ce qu’il subsiste de verdure en nos illusions biaisées. Le vent passe, le temps se fige. Le cruel Novembre assassine en un souffle ce que Mai et Juin se sont obstinés à engendrer. Immuable comme le cycle de la vie, Novembre vient, éternel retour… et tu sauras que naître est plus dur que mourir. »

« L’homme est une vague, et la vie un trompe-l’œil, tout cela tu le sais… n’est-ce pas ? Tu survivras. On survit toujours. Tu l’apprendras, et tu apprendras. Parfois, on renaît aussi. Cycle immuable, éternel retour. »

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Commentaires
A
tu as bien raison d'être tentée car c'est vraiment un très bon roman. Cela dit, je ne le conseillerai pas à des collégiens car l'intrigue, la langue et surtout la longueur du texte ne me semble pas adaptés. De façon plus générale, les romans de la collection Exprim' s'adressent à un public de plus de 15 ans.
C
il me tente celui-là, à partir de quel âge à peu près ? ça le fait si je le commande pour mon cdi de collège ?
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