Dans la peau d'un youv

 Pennac, dans ses droits du lecteur, a dit on a le "droit de piocher dans la bibliographie d'un auteur de façon aléatoire". Bon, ok, c'est pas vrai. Mais il aurait pu et lui, il aurait trouvé une plus jolie formule. Quoiqu'il en soit, j'ai découvert Hamid Jemaï avec son second roman, 2 jours pour faire des thunes, sorti en mai dernier. Pour faire court, j'avais surkiffé et c'est donc tout naturellement que j'ai repris le chemin à l'endroit en lisant son premier roman Dans la peau d'un youv'. Maintenant, je suis bien embêtée, je ne sais pas lequel je préfère...

 Karnal est un peu un ovni dans sa bande de potes du quartier, lui c'est le gentil, le poète qui passe son temps à coucher des mots sur le papier quand d'autres vivent de petites combines. Bon faut pas déconner non plus, le garçon il est beau gosse et il est pas tout blanc quand même mais pas pire non plus. Jusqu'à. Jusqu'à cet instant T où tout bascule sans qu'il ne l'ait vraiment voulu. Pour le topo, c'est le 31 décembre, ambiance alcoolisée pour fêter la nouvelle année et sans que Karnal ait le temps de réaliser, il se trouve embrigadé dans une grosse mais grosse combine. Un hold-up, avec cagoules, kalachnikov et dans le rôle des vrais bandits, ses amis. Il aimerait bien refuser mais parfois on est pas toujours capitaine de son destin.

 "Le bonheur de demain n'exite pas. Le bonheur, c'est tout de suite ou jamais". Barjavel

 Bien qu'écrit en 2007, c'était il n'y a pas si longtemps certes, ce roman est au coeur de l'actualité et de la sinistrose ambiante, ma pauvre dame, on peut même plus sortir de chez soi tranquilles avec tous ces voyous au coin des rues. Je caricature mais les braquages, ça a pas était inventé en 2007 et ça continue encore et encore. Pertinent angle de vue, donc pour évoquer comment un individu peut sombrer dans la barbarie. L'auteur ne semble pas avoir voulu défendre les bandits mais il nous donne un aperçu, avec l'histoire de Karnal, du profil de monsieur tout-le-monde qui dans ce monde dominé par le roi argent, l'appât du gain peut être plus fort. Plus fort que la morale, plus fort que la conscience. C'est là toute l'intelligence du propos très bien servi par la plume encore une fois cinématographique de l'auteur. Les images défilent, les mots claquent et l'histoire se termine avant qu'on pu dire ouf, emportés nous-mêmes par la folie des protagonistes. Il y a la violence des actes et des mots savamment dosées avec la poésie de la prose et il y a une réflexion réfléchie, tristement contemporaine, sur la violence et la société de consommation . Morceaux choisis.

"Markus ne mentait pas tout à fait quand il disait qu'on jouerait au poker pour la nouvelle année... et à mon avis, c'est ça qui le fait bander. La même chose que le toxico, mais dans un autre registre. Une bonne dose de cette drogue naturelle qu'on appelle adrénaline. Il a envie de jouer. Parce que c'est le seul qui a rien à perdre, au fond. Dans l'équipe, on a tous un rêve qu'on voudrait accomplir un jour ou l'autre. Sauf lui. C'est comme s'il était victime d'une maladie, celle qui te pousse à aller toujours plus loin... juste pour voir, par ennui ou pire folie."

"J'commence à comprendre c'qui s'passe dans la tête de certains hommes politiques en quête de pouvoir. Ca monte... ça descend... ça r'monte... et ça r'descend. Et au final, le choix est souvent indécent. Ces salopards sont comme nous tous. De simples humains, aussi faibles d'esprit et démunis qu'vous et moi. La vanité leur fait croire qu'ils pourront changer un pays, être celui que personne n'oublie. C'est comme moi et mes valeurs. Elles s'effondrent tel un château de cartes noyé par une marée d'oseille, soufflé par un vent qui balaie tout ce qu'il reste de blanc. PLUS RIEN A FOUTRE!! Les valeurs s'estompent face aux aspirations matérielles. [...] Nature humaine est-elle fatalement crapuleuse? Sommes-nous voués à arborer en choeur un sceptre à trois dents, une queue en pointe dissimulée, sur cette pauvre planète plus grise que bleue?"

J'perds mon temps, Lunatic

Comments

[Aurélie____]

Oui oui il a sorti 2 jours pour faire des thunes au printemps dernier que je te conseille vivement si tu as aimé ce premier roman! c'est dans la même veine avec une histoire fou qui va à cent à l'heure et toujours très bien écrit!
je te remets un lien vers mon article :
http://batifolire.canalblog.com/archives/2011/05/08/21082990.html

sinon pourquoi dis-tu que ce n'était pas gagné?

[Ys]

Il en a sorti un autre ? Bonne nouvelle, j'ai bien aimé ce premier même si ce n'était pas gagné d'avance.