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Batifolire, tribulations en zone littéraire
20 novembre 2011

Les déchaînés

 Il y a un peu plus d'un siècle, Maurice Barrès avait imposé son image des déracinés, ceux-là même qui reviennent toujours aux origines malgré leur besoin de s'émanciper. Aujourd'hui, c'est Flo Jallier, qui loin de l'acceptation moderne du terme de déchaîné, nous livre son portrait de femmes qui s'émancipent elles-aussi, qui enlèvent leurs chaînes, dans un roman très ambitieux.

dechaines

Les déchaînés, Flo Jallier, Exprim' chez Sarbacane, Novembre 2011

 L'Histoire commence en 1871 dans la Martinique post-esclavage avec deux enfants, Thibault, fils d'un riche propriétaire blanc et sa camarade de jeux, Amélia, noire, fille de la domestique. Entre ces deux-là nait une complicité et un amour qui traversera les époques et les continents. Un amour qui sera le point de départ de trois autres destinés celle de Camille pendant la seconde guerre mondiale, celle de Louisiane dans le Paris titi des années 70 et enfin celle de Marie-Jo qui pourrait être la mienne ou la vôtre. Grande épopée familiale donc sous le signe de l'éternelle répétition.

« Si, du temps de leur jeunesse, Thibault et elle avaient connu le vent d'automne, sans doute auraient-ils pu se comparer à une feuille prise dans son tourbillon virevoltant. La nature jamais ne pourra être entravée - circonscrite parfois, emprisonnée jamais : l'homme seul crée ses propres chaînes.  »

 

 D'où venons-nous? Par quel mystérieux hasard ou amour, sommes-nous là? Flo Jallier soulève ici l'éternelle questionnement des origines, du passé qu'il faut connaître pour mieux comprendre le présent et appréhender l'avenir. A travers les quatres femmes qui nous sont présentées, nous percevons donc leur tatonnement à avancer alors qu'elles ne savent pas les secrets de leur ascendance. Mais c'est aussi l'occasion d'évoquer d'autres problématiques qui traversent les âges avec le racisme encore et toujours (l'affranchissement qui n'en est pas un,le nazisme ou encore la forme actuelle de cette intélorance) et les violences faites aux femmes. Avec pour leitmotiv, une seule philosophie celle de dire "et pourtant : dans le plus terrible des hommes se terre l'enfant mal aimé".

 Voyage au sein duquel la saveur des mots fait sentir l'atmosphère de chaque époque et continent, de la chaleur de la Martinique ou encore du béton du Paris des années 70. Car, outre les thèmes abordés dans le roman, il faut souligner sa construction hybride et exigeante composée de flash-back sous forme d'article de presse, de lettre, de rapport médical. On change de temporalité, de lieu, de personnages et du coup de narrateur, mais pas à chaque fois puisque c'est seulement à la troisième partie que le narrateur omniscient laisse la place à la gouaille façon Renaud Séchan, du père de Marie-Jo (la 4ème fille de la lignée, vous suivez ?). Si tout cela peut paraître complexe c'est normal, parce que ça l'est. L'idée est étonnante de complexité mais ce qui est le plus fort, c'est qu'à la lecture ça n'apparait pas, tout s'enchainant (sans faire de jeu de mot) très naturellement et poussant les limites du suspens un peu plus loin. Chacun étant, femmes et hommes également, "les maillons inconscient d'une chaîne dont ils [avaient] la possibilité de se défaire ou, au contraire, à partir de laquelle ils [pouvaient] puiser de la force." Des destins passionnés qui débordent d'amour et qui ont soif de liberté donnant, au final, un roman tout aussi captivant.

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Commentaires
E
J'ai vraiment hésité entre ce titre et Fuck you New York...Tu me donnes envie de me rattraper et de lire également celui-ci.
B
Je ne connais pas, mais vous donnez envie de lire le roman, bravo.<br /> <br /> <br /> Cordialement<br /> <br /> Biblire
S
On est vraiment d'accord :)<br /> C'est marrant, je crois qu'on a toutes relevé cette citation avec les feuilles d'automne, elle est trop jolie.<br /> En tout cas, je ne m'attendais pas à cela en ouvrant le livre, l'intrigue et l'émotion m'ont vraiment "cueillie".<br /> Et j'ai remarqué avec joie que ce roman est assez souvent mis en valeur en librairie, il est même en coup de coeur des libraires au Chapitre de Grenoble.
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