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Batifolire, tribulations en zone littéraire
17 mai 2012

On est pas là pour se faire baratiner #5 - Daph Nobody épisode #4

 Quatrième jour de notre exploration dans l'univers fantastique de Mister Nobody qui revient aujourd'hui sur le long travail fourni pour son dernier roman, L'enfant nucléaire.

Il est précisé que Pica morfal boy t’a valu une fraction d’éternité – soit 14 ans – pour prendre sa tournure finale. Comment s’est déroulée l’écriture de ce roman ?

J’avais commencé ce roman en 1997, juste après avoir écrit un premier roman fantastique qui faisait près de 2000 pages dans un format éditorial (ces pages étaient remplies à ras-bord), resté inédit. J’écrivais beaucoup de nouvelles à cette époque, dont j’ai publié une partie dans Les Ténèbres Nues et La Lumière des Au-Delà.

tenebresnues            lumiereaudela

Au départ, ce devait être une nouvelle, l’histoire d’un gamin capable de digérer toute substance, qui pourrissait progressivement de l’intérieur. Mais la nouvelle tirait en longueur, et après cent pages, j’étais à peine entré en matière, en développant cette histoire de shows au Eat-and-Run. Je me suis donc dit que j’allais développer le sujet sous forme de roman. Mais lorsque Jiminy et Alex se décidaient à partir à Hollywood pour y faire fortune avec ce show digestif « indigeste », je me heurtais à un mur. And then what ? Je n’avais vraiment aucune idée de la manière dont je pouvais boucler ou étoffer une telle histoire. Et peu après la sortie de Blood Bar, j’ai trouvé l’idée « salvatrice ». J’allais entrecroiser deux histoires, celle d’un flic pervers qui voulait se débarrasser de sa femme castratrice, et celle de ce gamin paumé qui avait un « don somatique ». Il fallait qu’une deuxième histoire vienne s’intégrer à la première pour lui permettre d’évoluer vers quelque chose de moins prévisible et de moins creux. Dans la première version du roman, le récit de ce flic couvrait 200 pages environ. L’éditeur n’aimait pas cette partie, elle allait sans doute trop loin pour rester commerciale ; elle était vraiment très trash, et très « politiquement incorrecte ». Donc j’ai fini par quasi tout couper. Je n’en ai gardé qu’un squelette, à savoir le chapitre « La respiration d’Ava ». La fin du roman était très différente elle aussi : elle aboutissait à un règlement de comptes entre le flic et un ancien braqueur qu’il avait lui-même fait mettre sous les verrous, tout cela avec la participation forcée de Jiminy retenu en otage avec Alex et Leia. À ce stade, le complot politique n’existait pas, je l’ai créé pour remplacer le récit de ce flic, qui est devenu plus secondaire dans la version publiée. Je pense réutiliser tout ce qui avait été écrit sur le flic et le braqueur pour en tisser un roman à part entière, qui ne sera pas du tout fantastique, mais plutôt « roman noir » (peut-être même un jour ferai-je publier L’Enfant Nucléaire dans sa version d’origine). Le flic est devenu Hendrick Bold, le braqueur est devenu Andrew Reindeer, ce fan de Mark Chapman qui tente de tuer Jeb Dolorean lors du festival du film en Virginie (j’ai changé leur nom à tous les deux, car ils ne ressemblaient plus du tout aux personnages que j’avais forgés dans la première version).

 

C’est curieux, je me trouvais au Salon du Livre de Bruxelles lorsque j’ai développé le complot nucléaire, et peu après s’est produite la catastrophe de Fukushima. Par cet élément, d’un seul coup ce livre entrait plus que jamais dans l’air du temps, et l’éditeur était beaucoup plus intéressé de le publier dans cette perspective que dans la précédente. Car L’Enfant Nucléaire a bien failli ne jamais être publié : il fut l’objet d’une très longue discussion entre l’éditeur et moi. C’est horrible à dire, mais merci Fukushima. Il est difficile de convaincre un éditeur de nos jours sans avoir sous le bras LE sujet le plus IN qui soit (et je ne critique pas cet aspect-là des choses : si j’étais éditeur, je fonctionnerais de la même manière pour perdurer : avec prudence et stratégie – ayant pas mal travaillé pour des boîtes de prod dans le cinéma, je suis accoutumé au terme de « stratégie », et j’avoue y penser aujourd’hui quand j’écris un roman, car il ne sert à rien d’écrire des choses qui sont impossibles à distribuer ; l’écriture étant un moyen de communication, je ne vois pas l’intérêt de converser avec soi-même). Blood Bar s’inscrivait parfaitement dans la grande mouvance VAMPIRES, avec Twilight et autres blockbusters. L’Enfant Nucléaire est de circonstance avec les manifestations internationales actuelles contre le nucléaire.

l_enfantnucleaire

On en arriverait à se demander : que vais-je pouvoir écrire, par la suite, qui soit LE sujet de l’année ? J’ai d’ailleurs un souci avec le roman sur lequel je travaille pour l’instant, car c’est une histoire de fantômes, qui ne véhicule pas spécialement de revendications sociétales, idéologiques ou politiques (au contraire de ce qu’il en est pour Blood Bar et L’Enfant Nucléaire qui sont vachement plus ambitieux et provocateurs). C’est un honnête roman fantastique, qu’en relisant 14 ans après l’avoir écrit, je trouve même plutôt drôle et reposant. Mais comment vais-je le défendre auprès d’un éditeur ? Je n’en ai pas la moindre idée. Et c’est un réel problème que je devrai résoudre au moment venu. Je pense qu’il me faudra intégrer un thème lié à une problématique contemporaine, pour rendre ce roman « vendable », et donc « publiable ». Tu vois, quand je parlais tout à l’heure de contraintes... Je doute qu’il y a cinquante ans les auteurs devaient se poser ce type de questions et trouver ce genre de « trucs » pour être publiés. Si un Georges Simenon avait dû penser ses romans comme un auteur doit le faire aujourd’hui, il aurait écrit vingt ou trente romans à tout casser, et pas quatre cents.

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